Je m'interroge

Il y a quelques jours, Alphonsine écrivait qu'il suffit de se souvenir des attraits de son enfant entre 2 et 7 ans pour voir se dessiner son projet professionnel. Du coup, je m'interroge.

Girafon 1er disait vouloir être druide, enterrait les oiseaux morts et plantait des croix tout autour de la sépulture puis prononçait des prières muettes, mains jointes et yeux fermés. Les jours qui suivaient la mise en terre, il rendait hommage à l'animal dans le jardin public après l'école, embarquant avec lui un ou deux copains dans ses cérémonies mystiques. Il réunissait les éléments nécessaires à l'offrande, toujours constituée de végétaux : feuille d'arbres, morceau de branche, herbe, pâquerette, etc, puis procédait à l'ultime célébration qui consistait à porter "religieusement" l'offrande dans le creux de ses mains et la déposer dans l'eau avec recueillement. Manquant de cours d'eau autour du jardin public, mais pas d'idées, Girafon 1er  remettait son offrande aux eaux célestes de la blanche porcelaine des toilettes publiques et finalisait son rituel en déclenchant la chasse d'eau, envoyant ainsi son don vers l'esprit de l'oiseau honoré.

Tout cela dans un profond silence et une grande ferveur.

Dans la même période, il se livrait à des séances de méditation intenses dans sa chambre. Volets fermés, dans la pénombre, il murmurait des incantations assis au sol face à une statuette de Bouddha, en martelant un couvercle de boîte métallique de Pannetone d'un rythme régulier avec une espèce de maracas... (heureusement que je l'ai filmé à son insu, je croirais aujourd'hui avoir rêvé tout cela !).

Las de devoir sortir de la maison pour fermer ses volets (trop petit à l'époque pour le faire de l'intérieur), il a fini par me suggérer de murer sa fenêtre et par la même occasion, repeindre les murs de sa chambre en rouge, couleur propice à la méditation selon lui... Il rêvait d'une chambre de méditation pour l'hiver. Car aux beaux jours, il aurait bien fait l'ermite, au pied d'une montagne dans le calme et le silence, occupé à méditer jour et nuit.

Ces faits ont poussé une amie à déclarer : "Il sera prêtre, ton fils. Ou moine bouddhiste".

Plus tard, lorsqu'il a commencé le catéchisme, j'ai cru que ses questionnements auxquels je ne pouvais plus répondre (et son père encore moins) seraient nourris de réponses satisfaisantes et enrichissantes. Pourtant, son esprit critique m'a valu quelques gentilles mais fermes remarques de la part de la dame catéchiste : Girafon 1er était trop curieux et sa volonté de débattre déplacée (il s'insurgeait, par exemple, qu'on lui dise que l'Egypte antique vénérait des dieux de pacotille). Sa pensée allait trop loin et perturbait un groupe qui ne souhaitait qu'apprendre. Il a préféré arrêter de suivre cet enseignement plutôt que museler sa curiosité.

Du coup, je pense qu'il ne sera pas prêtre !

A la fin de la période déterminante, selon Alphonsine, c'est à dire à 7 ans, nous avons nourri l'espoir de donner une notion de compétition à notre Girafon en lui proposant de la natation. Ces cours collectifs se composaient de 45 minutes d'approfondissement des 3 nages principales puis de 15 minutes de jeux libres. Ce dernier moment était l'occasion pour tous de sauter, se pousser, éclabousser, bref se défouler. Ou bien de pécher... Girafon s'installait, accroupi sur ses talons, et ferrait le poisson en utilisant une ceinture de nage (celle sur laquelle plus ou moins de pains de mousse sont glissés pour assurer la flottaison de l'apprenti nageur) en guise de canne à pèche. Il relevait sa ligne de temps à autre pour observer son hameçon (la boucle de la ceinture). Il nous disait pécher des rêves parfois.
Sera-t'il pécheur (serait-ce dans les gènes ?) ?

Aujourd'hui, Girafon 1er a 16 ans. Il étudie le trombone à coulisse depuis 8 ans, joue de la guitare électrique avec ses copains, prend des cours de chant lyrique, adore l'anglais, fait du yoga avant de s'endormir et a repris la natation.

Alors, quel projet professionnel ?

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